Aamer Anwar accuse le système judiciaire espagnol de ne pas être indépendant : « Il y a persécution politique »

Le 1 octobre 2017 il y a eu, en Catalogne, le référendum d’autodétermination au cours duquel plus de deux millions de citoyens ont voté. À cette occasion, les forces de l’ordre de l’État espagnol ont reçu l’ordre d’empêcher le vote à n’importe quel prix, y compris avec l’usage de la violence contre la population pacifique et désarmée. Ils ont causé plus de mille blessés, dont deux graves et plus de huit cents ayant nécessité de soins médicaux d’urgence. Le 27 octobre, après une proclamation de principe de la République de Catalogne, l’exécutif espagnol a cessé le gouvernement catalan et le Parlement. Le 29 d’octobre, craignant la répression que l’État espagnol allait exercer contre eux sans les nécessaires garanties judiciaires, cinq membres du gouvernement cessé ont décidé de prendre le chemin de l’exil. Parmi eux, madame Clara Ponsatí, ministre de l’Éducation et professeur de l’université écossaise St. Andrews, contre laquelle le magistrat espagnol Pablo Llarena a lancé un mandat européen de détention et extradition pour les délits de rébellion et de malversation, accusations qui comportent des peines de trente ans de prison. Quelques jours après leur départ, neuf autres membres du gouvernement catalan cessé ont été écroués. Ils sont encore, à ce jour, sous les verrous sans jugement, en prison provisoire.

Aamar Anwar, recteur de l’université de Glasgow, avocat et juriste de prestige international, est un fervent défenseur des droits de l’Homme qui a lancé plusieurs campagnes contre le racisme au Royaume-Uni et a formé part de plates-formes telles que Stop de War ou encore d’accueil de refugiés. Il est aussi l’avocat défenseur de Clara Ponsatí, actuellement exilée en Écosse où elle a repris ses fonctions de professeur à la St. Georges University.

Invité du programme « Questions fréquentes » de la télévision publique de Catalogne – TV3,  M. Anwar a durement critiqué la répression exercée par l’État espagnol, a exprimé de sérieux doutes sur son système judiciaire qu’il a accusé de ne pas être indépendant et de soutenir la persécution politique à l’égard de Clara Ponsatí, les quatre autres membres du gouvernement catalan exilés, ainsi que vis-à-vis de tous les prisonniers : dix ministres cessés, la présidente du Parlement et les deux présidents de deux associations civiques (ANC et Òmnium Cultural).

Une question de droits de l’Homme

Pour M. Anwar, l’affaire dans son ensemble est une question de droits de l’Homme pour trois raisons concrètes. Premièrement, toutes les causes sont portées par le Tribunal Suprême (Cour de Cassation) où le recours en appel est impossible, un fait « inacceptable » puisqu’il s’agit de peines de plus de trente ans de prison, ce qui de facto signifie pour Mme Ponsatí, âgée de soixante ans, une peine a perpétuité. Deuxièmement, parce que cette procédure permet de prolonger la prison provisoire jusqu’à quatre ans avant l’ouverture du procès, dans des pénitenciers  situés à plus de 700 kilomètres du domicile, donc l’éloignement évident de leurs familles. Troisièmement, parce qu’il n’y a aucune garantie que les accusés auront droit à un procès juste et que la sécurité des prisonniers ne peut pas non plus être garantie si l’on tient compte du traitement dénigrant qui a été réservé à la population catalane le 1 octobre.

Anwar s’est montré également très critique à l’égard du rôle joué par les forces de sécurité de l’État, « seuls responsables » de la violence subie par la population catalane. En effet, les polices se sont acharnées sur des gents pacifiques qui, le 1 octobre, voulaient uniquement exercer leur droit de vote. M. Anwar a confessé que si, demain, Nicola Sturgeon voulait organiser un référendum sur l’indépendance de l’Écosse et Theresa May envoyait sept mille policiers contre les Écossais, l’Écosse serait indépendante dans moins de 24 heures. Ce qui se passe ici, « n’est pas le propre d’un État de droit, c’est de l’oppression, du colonialisme, bref, c’est une dictature. »

L’avocat écossais a aussi souligné l’arrogance du gouvernement espagnol au cours de la procédure résultant du mandat européen d’extradition lancé par le magistrat espagnol, en considérant que les juges des pays partenaires « devaient » extrader directement Clara Ponsatí et les quatre autres responsables politiques exilés. « Ça n’a pas été le cas, le magistrat espagnol a échoué parce qu’en Europe il y a deux principes qui s’imposent : la justice et les droits de l’Homme » a souligné. D’autre part, il a qualifié le mandat européen de tentative de « criminaliser les aspirations au droit de vote » des Catalans.

Un puzzle de délits

Anwar a aussi exprimé sa perplexité à l’égard de l’État espagnol qui tente d’emboîter les délits comme s’il s’agissait des pièces d’un puzzle, ce qui montre que ses représentants « sont de plus en plus désespérés et changent les règles du jeu intentionnellement ». Il a donné comme exemple le fait que le magistrat Pablo Llarena ait d’abord ajouté le délit de malversation au mandat européen, alors même que l’exécutif espagnol a nié son existence ; puis qu’il a remplacé rébellion par sédition, après que ses pairs lui aient fait savoir que le délit de rébellion n’existait pas en Écosse, afin d’arranger son mandat.

À propos des prisonniers politiques, M. Anwar a prédit que la procédure sera longue, qu’il n’y a que deux issues possibles : la Cour de justice de l’Union européenne ou une « négociation pacifique » avec l’État espagnol, après une libération « préalable et sans conditions » de tous les prisonniers. En fait, M. Anwar a considéré que la stratégie du gouvernement espagnol, qui demande la formation d’un gouvernement en Catalogne, est un « piège », afin que les prisonniers, les exilés et la répression généralisée soient relégués au second plan et la population catalane en sorte frustrée.

Lien du programme (en catalan):

http://www.ccma.cat/tv3/alacarta/preguntes-frequents/aamer-anwar-a-europa-ja-no-es-respecta-el-dret-espanyol/video/5765644/#

Lien du programme en version originale (anglais):

https://www.youtube.com/watch?v=s1GkfR0SL4o