Elle demande au gouvernement catalan qu’il s’aligne sur cette stratégie et qu’il élabore un projet pour rendre effective la République catalane
Le Secrétariat national de l’Assemblea Nacional Catalana (ANC) s’est réuni en session plénière extraordinaire samedi dernier, 6 octobre 2018, au siège national de l’ANC. Au cours de cette journée, trois documents d’une grande importance stratégique pour le mouvement indépendantiste ont été approuvés : « Construisons la République catalane. Le récit de ce qui s’est passé », « Bilan de l’action du gouvernement de la Generalitat de Catalogne » et « Construisons la République catalane. Une stratégie pour le futur ». Ces trois documents ont été approuvés à une large majorité comprise entre 71 et 88%.
Le premier document contient une analyse des événements, depuis l’arrêt de la Cour constitutionnelle espagnole prononcé en 2010 à l’encontre du nouvel Statut d’autonomie de la Catalogne jusqu’au mois d’octobre 2017 et identifie les points forts et les faiblesses qui se sont accumulées. L’ANC identifie comme grands points forts du mouvement : la majorité sociale de l’indépendantisme, la majorité absolue des partis politiques indépendantistes au Parlement de Catalogne, une importante mobilisation citoyenne rassemblée autour d’un mouvement pacifique, un conflit internationalisé et une réelle défaillance de l’État espagnol, à la fois dans sa façon de gouverner, mais aussi dans son incapacité à proposer à la Catalogne un quelconque projet digne pour son maintien dans l’Espagne.
Par ailleurs, les principales faiblesses actuelles ont été rassemblées dans le document de bilan de l’action du gouvernement catalan. L’ANC constate ainsi que le gouvernement catalan destitué à la suite de l’application de l’article 155 de la Constitution espagnole n’a pas été restitué et que ni le Parlement, ni le Gouvernement, ne semblent disposés à la désobéissance nécessaire pour faire respecter la souveraineté du Parlement et pour avancer vers une proclamation effective de la République catalane.
Devant cette situation d’absence de concrétisation et d’absence manifeste de stratégie partagée du Gouvernement, l’ANC prie instamment le président de la Generalitat et le gouvernement de la Catalogne de retrouver l’unité d’action, de mettre en marche à Waterloo le Conseil de la République dont la création avait été annoncée et d’en présenter la structure et les fonctions. Elle demande également au Gouvernement catalan qu’il fixe, avant le 21 décembre prochain, une stratégie unique et transparente de gouvernement permettant la mise en œuvre de la République catalane. Elle lui demande de partager cette stratégie et de la coordonner tactiquement avec l’ensemble des acteurs politiques et des entités engagés dans la mise en œuvre effective de la République déclarée le 27 octobre 2017.
Si après le 21 décembre prochain le Gouvernement persiste dans cette disparité manifeste et déconcertante de critères stratégiques de futur qui est actuellement la sienne et s’il continue d’employer un langage passionné dans sa forme, mais très éloigné de l’action d’un gouvernement qui s’obstine dans l’autonomisme et qui légitime l’action répressive de l’État espagnol, l’ANC cessera de l’appuyer et sera extrêmement critique et exigeante envers la façon dont celui-ci accomplira son mandat, en organisant le cas échéant des manifestations qui reflèteront cette orientation.
Nous demanderons au Gouvernement que ceux et celles qui ne se sentiront pas en mesure de poursuivre sur la voie d’un procés (processus) transparent d’actions gouvernementales conduisant à la proclamation effective de la République catalane fassent un pas sur le côté et laissent leur place au sein de celui-ci à des personnes qui seront disposées à poursuivre une action plus ferme, et à assumer tous les risques inhérents à la désobéissance.
Projet stratégique
Sur la base des points forts et des faiblesses identifiés et compte tenu du contexte actuel, l’ANC a élaboré un projet stratégique basé sur différents scénarios. Elle identifie ainsi seulement trois scénarios pouvant conduire à l’indépendance effective : un référendum négocié avec l’État espagnol à la suite d’une négociation bilatérale directe, un référendum négocié avec l’État espagnol impulsé par un organisme international et la voie unilatérale.
L’ANC a voulu mettre en évidence que rechercher à étendre la base sociale n’était pas un scénario en soi. Même si nous étions 80% à la vouloir, l’indépendance nous ne serait pas donnée et nous devrions nous rattacher à l’un des trois scénarios ci-dessus. En outre, l’ANC comprend que chercher à réduire les tensions et prétendre à une normalisation dans le contexte actuel n’est qu’une mesure dilatoire et démobilisatrice qui n’aurait aucun effet positif pour atteindre l’objectif recherché.
À propos du scénario du référendum négocié avec l’État espagnol, l’ANC considère que toutes les actions du gouvernement du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol actuellement au pouvoir) ainsi que celles de la majorité politique, sociale et électorale de l’État espagnol, indiquent que cette voie est malheureusement impossible. À propos du scénario du référendum négocié impulsé par un organisme international, l’ANC le considère comme peu probable compte tenu des faits du mois d’octobre, mais elle considère qu’il existe un seuil maximum de violation des droits ou d’instabilité économique qui pourrait le rendre possible. En conséquence, l’ANC considère le scénario de la voie unilatérale comme le plus probable et le seul qui dépende uniquement de nous-mêmes et qui nous permette de continuer à être actifs, compte tenu de l’incapacité du gouvernement espagnol à proposer quoique ce soit ou à renoncer à son visage le plus répressif, ainsi que des défaillances de son mode de gouvernabilité. Malgré tout, l’association serait disposée à renoncer à la voie de l’unilatéralité si, dans les six prochains mois, l’un des deux premiers scénarios devenait une réalité tangible et déclarée sans aucune forme d’ambiguïté de la part des acteurs impliqués (Gouvernement catalan, Gouvernement espagnol, éventuel médiateur).
De ce fait, l’ANC considère que pour que la voie unilatérale puisse progresser avec succès, il faut idéalement aligner sur le même rang les acteurs clef suivants : Gouvernement, Parlement, institutions et mobilisation citoyenne. Une fois alignés, il faudra valider de nouveau la déclaration d’indépendance au Parlement et la publier au Journal officiel de la Generalitat de Catalogne (Diari Oficial de la Generalitat de Catalunya), proclamer solennellement la République catalane devant le monde et demander la reconnaissance internationale de l’indépendance de la Catalogne — tout en se constituant en État –, amener le drapeau espagnol du palais de la Generalitat et du Parlement, publier les décrets d’application de la loi de transition juridique (et constitutive de la République), remettre en liberté les prisonnières et les prisonniers politiques et organiser le retour des exilées et des exilés politiques. Afin de pouvoir progresser dans la voie de l’unilatéralité, l’ANC élaborera douze lignes d’actions clef prioritaires dénonçant devant les organismes internationaux les violations des droits politiques et civils des citoyens catalans, établira des liens de confiance avec les acteurs de la communauté internationale, produira et diffusera des documents qui expliqueront la situation et les aspirations du peuple catalan et encouragera la participation et la mobilisation des citoyens catalans résidant à l’étranger pour la défense du droit à l’autodétermination des Catalans.
Sur le front institutionnel, l’ANC demande au Gouvernement, au Parlement et aux partis indépendantistes d’exercer une autorité claire et tangible qui ne véhicule pas de messages contradictoires entre ce qui est dit et ce qui est réellement fait. De même, elle demande au Gouvernement qu’il se prépare à s’engager sans plus de délais sur la voie de l’unilatéralité et qu’il travaille dans les domaines qui doivent être renforcés pour garantir la proclamation et le début du fonctionnement de la République.
L’ANC a envoyé son message à l’ensemble de l’indépendantisme qui, si les trois acteurs – Gouvernement, Parlement et société civile — se préparent de manière responsable et avec rigueur pour le scénario de l’unilatéralité, l’objectif de rendre effective la République catalane sera atteint, tout comme s’est fait réalité le référendum du 1er octobre 2017 dans un climat d’adversité violente.